ALZHEIMER : Un voyage inattendu
L’Émergence d’Alzheimer : Un Voyage Inattendu
Pour mon amie Cathy pour qui je serai toujours là.
Au début, tout semble flou : des angoisses inexplicables,
un sentiment de perte, une désorientation qui s'installe peu à peu.
Les premiers signes sont souvent subtils, presque insidieux.
Une sensation d’être perdue, comme si le quotidien se dérobait sous les pieds.
Les tâches simples, autrefois effectuées sans effort, deviennent soudainement
complexes. Cette perte de repères génère un sentiment profond d'angoisse. On se
sent déconnectée, en perte de sens. Au départ, cela pourrait ressembler à un
passage normal de la vie, une phase passagère, mais les sensations persistent
et s'amplifient.
Les Premiers Diagnostics : Ménopause et Dépression
Comme c’est souvent le cas pour les femmes d’un certain âge,
les médecins pointent rapidement la ménopause comme première explication. Les
fluctuations hormonales sont souvent accusées de provoquer ces émotions
perturbantes et ce sentiment de confusion. Cependant, avec le temps, cette
hypothèse s'efface. Les symptômes ne sont pas simplement ceux d'un
bouleversement hormonal.
Vient alors l'étiquette de la dépression. Ce diagnostic est
courant lorsque les émotions semblent s’effondrer et que le quotidien devient
difficile à gérer. Mais au fond de vous, quelque chose cloche. Ce n’est pas
seulement une question d’humeur ou de tristesse. Il y a quelque chose de plus
profond, de plus insidieux qui s’installe. Une sorte de voile qui tombe sur la
mémoire, sur la clarté d'esprit.
La Transformation du Présent : Être Ici et Maintenant
Avec le temps, un changement s’opère. Les émotions du passé
commencent à s’effacer, les souvenirs autrefois si vivants perdent de leur
intensité. Ce qui semblait autrefois vous hanter, comme des regrets ou des
souvenirs douloureux, s’amenuise. Vous commencez à vivre presque exclusivement
dans le moment présent. Cela pourrait sembler être une bénédiction, mais la
réalité est plus complexe.
Peu à peu, vous réalisez que votre mémoire s'affaiblit. Ce
ne sont pas seulement les émotions qui disparaissent, mais aussi les détails,
les noms, les visages, les tâches quotidiennes. Vous devez tout écrire pour ne
pas perdre le fil de votre vie. Les petites notes deviennent des rappels
essentiels, des ancrages dans une réalité qui, sans cela, vous échapperait.
Un Glissement Progressif : La Mémoire Comme un Sable Fin
La maladie d'Alzheimer ne se manifeste pas d'un coup. Elle
s'insinue progressivement, prenant d'abord la forme de ces petits oublis que
beaucoup de personnes mettent sur le compte du stress ou de l’âge. Cependant,
au fur et à mesure, vous comprenez que ce n’est pas simplement un passage ou
une mauvaise phase. Votre mémoire se vide comme un sablier. Les détails
s'effacent, et avec eux, une partie de votre identité.
Ce n'est plus seulement une question de se souvenir de ce
que vous devez faire, mais d'oublier parfois où vous êtes, pourquoi vous êtes
là, ou qui sont les personnes autour de vous. C'est un glissement lent et
inexorable vers une perte de soi.
Paradoxe de la Sensation : Plus la Mémoire S'érode, Plus
les Émotions s'Intensifient
Et pourtant, un paradoxe étrange s’installe. Plus ma
mémoire me fait défaut, plus je ressens les choses intensément. Comme si, en
perdant le lien avec le passé, le présent s'ouvrait avec une clarté
émotionnelle exacerbée. Chaque instant semble plus vif, chaque sensation, plus
forte. Je ne me souviens peut-être pas de ce que j'ai fait hier, mais la
couleur d'un ciel, la douceur d'une voix, ou même la texture d’un simple objet
entre mes mains semblent me toucher plus profondément qu'auparavant.
C’est comme si l’effacement progressif des souvenirs
laissait de la place pour une expérience émotionnelle brute et immédiate. Les
émotions ne sont plus filtrées par la mémoire du passé ; elles sont vécues dans
toute leur intensité dans l’instant présent. Il y a une forme de connexion au
moment qui devient presque palpable, une hypersensibilité à ce qui se passe
autour de moi, même si ces impressions finissent par se dissoudre rapidement
dans l’oubli.
La Petite Dépendance à l'Alcool : Un Refuge dans le
Tourbillon de l’Oubli
Avec la progression d’Alzheimer, un autre phénomène se
manifeste pour certaines personnes, y compris moi : une légère dépendance à
l’alcool, particulièrement en fin de journée. Ce comportement peut sembler
anodin, mais il est souvent lié à un besoin subconscient de se raccrocher à
quelque chose de concret, une manière de se détendre face au chaos intérieur.
Dans mon cas, cette petite dépendance à l’alcool est devenue
une sorte de rituel pour calmer l’anxiété qui monte lorsque la journée touche à
sa fin. C’est à ce moment-là que la confusion semble s'intensifier, que le
sentiment de perte de contrôle devient plus aigu. Un verre de vin, par exemple,
semble offrir un répit, une parenthèse dans cette incertitude croissante.
L’alcool, bien que temporaire, procure une sensation de réconfort, de
relâchement, permettant de mettre en pause, ne serait-ce qu’un instant, le
tourbillon des pensées et des émotions.
Ce n’est pas simplement un échappatoire, mais une tentative
instinctive de reprendre le contrôle, de trouver un moment de calme dans le
tumulte des sensations intensifiées et de la mémoire vacillante.
Le Détachement Progressif de la Sexualité, Malgré l’Amour
Un autre phénomène silencieux se manifeste également au fil
du temps : un détachement progressif de la sexualité. Même si l'amour
demeure fort et profond, la relation au corps change. Avec la perte de la
mémoire et la confusion qui s’installe, la sensualité, autrefois un pilier dans
la connexion intime, commence à s’estomper. Ce n’est pas une question de désir
amoureux ou d’affection. Ces sentiments persistent. Mais la sexualité, avec sa
complexité physique et émotionnelle, devient plus lointaine, presque détachée.
Le corps, lui aussi, semble entrer dans ce processus
d'effacement progressif. Les gestes qui apportaient autrefois réconfort et
passion semblent désormais plus étrangers, moins familiers. Le besoin
d’intimité ne disparaît pas totalement, mais il se transforme. L’amour reste
bien présent, mais il prend de nouvelles formes, souvent plus simples et plus
centrées sur la tendresse que sur l’acte physique.
Ce détachement peut créer une certaine tristesse, car il
s'accompagne parfois d'un sentiment de perte de soi-même dans cette dimension
de la vie. Néanmoins, il peut aussi ouvrir la voie à une autre manière de se
connecter, où l’affection se manifeste davantage par des gestes de douceur, de
proximité, et de soutien mutuel dans la lutte contre la maladie.
Perception de l'Entourage : Incompréhension et Jugements
Pour ceux qui m'entourent, ces changements peuvent être
difficiles à comprendre et interpréter correctement. Au fur et à mesure que
la maladie progresse, mon entourage peut parfois me percevoir différemment. Par
moments, je semble avoir des sautes d'humeur, des comportements imprévisibles,
ou des réactions inattendues. Ce décalage entre ce que je vis intérieurement et
la manière dont je me comporte extérieurement peut conduire à des malentendus.
Certaines personnes peuvent penser que je suis devenue bipolaire,
passant soudainement d'une émotion à une autre sans raison apparente. D'autres
peuvent interpréter mes difficultés à me souvenir de certaines choses, à gérer
mon quotidien, ou mes moments d'irritabilité, comme des signes d’un mauvais
caractère. Il arrive même que l’on me juge égoïste, comme si je ne
pensais qu’à moi ou que j'ignorais volontairement les besoins des autres.
Ce qui est peut-être le plus douloureux, c'est d'être
parfois perçue comme idiote ou déconnectée de la réalité, alors que je
lutte chaque jour contre une confusion interne grandissante. Mon esprit
s’égare, mais je suis toujours là, avec mes émotions, mes besoins, et l’amour
que je porte à ceux qui me sont chers. Mais il est parfois difficile pour les
autres de comprendre ce qui se passe réellement en moi.
Ces jugements, bien que souvent involontaires, ajoutent une
couche de solitude à un parcours déjà complexe. Ils soulignent l’importance
pour mes proches d’essayer de comprendre ce que signifie vivre avec Alzheimer,
et de voir au-delà des comportements apparents pour mieux percevoir la réalité
intérieure.
Faire Face à l’Inévitable : Vivre avec Alzheimer
Apprendre à vivre avec les premiers signes de la maladie
d'Alzheimer est un défi émotionnel et psychologique immense. Il ne s’agit pas
seulement de combattre l’oubli, mais aussi d’accepter que la réalité change.
Pour beaucoup de personnes, cela peut être un chemin difficile à accepter, car
l’esprit est ce qui nous définit en grande partie. Voir cet esprit s’éroder
peut être une épreuve terrifiante.
Cependant, cette étape offre aussi une occasion d’embrasser
l’instant présent de manière plus consciente. Bien que cela ne compense pas les
pertes de mémoire, cela permet de vivre chaque moment avec une attention
accrue.
Le début de la maladie d'Alzheimer est une phase délicate,
pleine de confusion, de pertes et de découvertes. Même si chaque personne vit
ce parcours différemment, il est crucial de reconnaître les signes, de ne pas
minimiser les changements et de rechercher du soutien dès que possible. Être
présent, noter les détails, et se connecter à ceux que l'on aime peut permettre
de ralentir le sentiment d’isolement que la maladie peut provoquer.
Dans ce voyage, la connexion humaine, les souvenirs partagés
et l’amour deviennent des ancrages, des phares dans une mer de changements. Et
même si la mémoire peut fléchir, l’essence de qui vous êtes, votre capacité à
ressentir et à vous connecter, demeure forte.
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