L'histoire de Cannelle, ma chienne.

Un jour de printemps,

Je conduis tranquillement sur une route isolée, bordée de forêts verdoyantes, où les branches des arbres se rejoignent pour former un tunnel de verdure. L'air est doux, le chant des oiseaux semble m'accompagner, jusqu'à ce que je distingue quelque chose d'inhabituel sur la chaussée. Là, trottinant maladroitement sur l'asphalte, un chiot, minuscule, ignorant les dangers qui l'entourent, avance avec insouciance. Mon cœur se serre.

Je ralentis, puis m’arrête brusquement sur le bas-côté. En sortant de la voiture, je réalise que ce n’est pas un, mais une douzaine de chiots qui m'accueillent en courant dans ma direction. Ils sont si jeunes, si fragiles. Leurs petits corps boudinés témoignent d’une alimentation précipitée. Leurs ventres gonflés montrent qu'ils mangent déjà trop tôt cette nourriture solide qu'ils ne devraient pas encore connaître.
Sur ma droite, à deux mètres à peine, dans un pré entouré de barbelés, une chienne attachée tire frénétiquement sur sa chaîne, aboyant avec une rage désespérée. Ses babines retroussées, elle montre les crocs, protégeant ce qui reste de son sac de croquettes éventré. Son regard est un mélange de panique et de colère. Elle n’est pas méchante, elle défend simplement ce qu’elle croit être son dernier refuge.

Les chiots, eux, sont agités, pleins d’énergie brute. Ils me mordillent les mollets, sautent, courent en tous sens. Pourtant, alors que je les observe, mon attention se fixe sur une petite silhouette, recroquevillée dans un coin, tremblante. Elle est différente. Plus calme. Plus fragile. C’est une petite fille, apeurée, si petite que mon cœur fond instantanément.

Je m’approche doucement, mes gestes se font lents, comme pour ne pas la brusquer. Je tends les bras, et lorsqu’elle se laisse prendre sans résistance, je sens toute sa peur, toute sa fragilité. Ses grands yeux me fixent avec une sorte de résignation mélancolique, comme si elle attendait quelque chose, ou quelqu'un pour la sauver.
Et là, dans ce moment suspendu, je sais. Je craque. Cette petite chienne, si vulnérable, vient de trouver son chemin vers mon cœur.

Après avoir demandé de l’aide à la gendarmerie, puis à la mairie, je repars avec cette petite chienne blottie dans mes bras. Elle tremble encore, ses yeux fixant l’horizon d’un regard perdu. Direction le vétérinaire. Je ne m’attendais pas à recueillir un tel chien, surtout une Malinoise, une race dont j’ignorais presque tout. Pourtant, dans cet instant, tout est devenu secondaire. Il fallait la sauver.

Chez le vétérinaire, les soins sont administrés. Quelques médicaments pour traiter les premiers signes de déshydratation et de malnutrition, un bain pour nettoyer sa fourrure poussiéreuse. Le vétérinaire me regarde avec ce sourire qui dit "tu ne t'en rends pas encore compte, mais ta vie vient de changer". Et c’est vrai, je le sens, quelque chose a basculé.

Nous rentrons enfin à la maison. Dès que je la pose délicatement à l’intérieur, elle explore à peine les lieux, trop épuisée pour courir ou jouer. Au lieu de cela, elle s'installe contre la fenêtre, près des rideaux, comme si elle cherchait un refuge, un endroit où elle pourrait disparaître pour se sentir en sécurité. Mon cœur se serre. Quel bouleversement pour elle, la pauvre. Arrachée à ses frères et sœurs, plongée dans un monde nouveau, inconnue, et entourée de mes chats qui la regardent avec curiosité.

Elle est seule désormais, dans cet univers étrange. Mais moi, je suis là pour elle, et je sens déjà que quelque chose de profond et d'indéfectible vient de commencer.

Au fil du temps, Cannelle s’épanouit dans son nouveau foyer. Avec un enthousiasme débordant, elle dévore les chaussons laissés à traîner, comme si chaque morsure était une petite victoire sur son passé incertain. Ses interactions avec nos chats prennent la forme d’un code social animal bien particulier : des coups de patte et des courses effrénées dans la maison. Ces échanges l’aident à comprendre son environnement, à tisser des liens avec ses nouveaux compagnons.

Le soir, Cannelle trouve refuge contre moi dans le lit. Sa présence réchauffe mes nuits, un petit rappel que l'amour inconditionnel ne connaît pas de barrières. Chaque jour, elle attend avec impatience nos balades, sa queue s'agitant d'excitation. Cependant, elle demeure craintive face aux gens et aux autres chiens, hésitant parfois à s'approcher. Ses peurs sont visibles, mais je sens que chaque pas en dehors de la maison est un pas vers la confiance.

Malgré ses appréhensions, Cannelle fait de petits progrès. Elle apprend à apprécier les rencontres, s’approchant timidement de ceux qui lui parlent d’une voix douce. Sa curiosité l’emporte souvent sur sa peur, et chaque jour est une nouvelle occasion d’explorer le monde ensemble.

L’amour que Cannelle me porte, et celui que je lui donne, est un voyage partagé. Ensemble, nous grandissons et apprenons, bâtissant une vie pleine de découvertes et de tendres moments.

Les mois passent et, avec chaque journée, Cannelle grandit à une vitesse impressionnante. Ses pattes, qui semblaient si énormes par rapport à son petit corps, prennent désormais tout leur sens. Elle devient une chienne majestueuse, bien plus grande que la plupart des autres femelles Malinois. Sa stature impressionnante contraste avec sa douceur et sa candeur.

Avec cette croissance, sa personnalité s’épanouit également. Cannelle devient de plus en plus intrépide, explorant chaque recoin du jardin avec l’énergie d’un chiot, mais avec la grâce d’un jeune adulte. Elle s’amuse à courir après les feuilles volantes, et ses sauts sont devenus plus élégants, une danse entre l’enfance et l’âge adulte.

Malgré sa taille, elle conserve une certaine timidité face aux étrangers. Mais à la maison, elle se révèle être une vraie géante au cœur tendre, toujours prête à jouer, à se blottir et à partager des moments de complicité. Chaque jour, je suis émerveillé par sa croissance et par l’amour inconditionnel qu'elle m’offre.

En la voyant grandir, je réalise à quel point notre lien est fort. Cannelle n’est pas seulement devenue un animal de compagnie ; elle est devenue une part intégrante de ma vie, un reflet de l’amour et de la résilience.

À l'approche de son premier anniversaire, Cannelle entre dans sa phase d’adolescence. Ses comportements deviennent plus imprévisibles et elle semble tester ses limites. Je ressens l'importance d'un encadrement approprié, car je suis conscient qu’un chien de cette race, avec sa sensibilité et sa force, peut parfois donner lieu à des réactions violentes si elle n'est pas correctement guidée.

Cannelle, avec son énergie débordante, peut devenir difficile à gérer. Ses élans de jeu se transforment parfois en comportements désordonnés, et je réalise qu'il est essentiel de lui offrir une structure. Pour cela, je décide de faire appel à une éducatrice canine. Elle a l'expérience et le savoir-faire nécessaires pour m'aider à canaliser l’énergie de Cannelle et à lui enseigner des comportements appropriés.

Les sessions d’éducation deviennent un moment précieux pour nous deux. Cannelle apprend à se concentrer, à répondre aux commandes et à gérer son excitation. Ensemble, nous découvrons que la patience et la constance sont essentielles. Bien que cela demande du temps et des efforts, je suis déterminé à bâtir une relation fondée sur la confiance et le respect mutuel.

À travers ces défis, je me rends compte que chaque moment passé à travailler avec Cannelle renforce notre lien. Nous faisons des progrès, et je suis convaincu qu'avec le bon soutien, elle deviendra une chienne équilibrée et heureuse.

Lorsque la pandémie de Covid-19 frappe, la vie prend un tournant inattendu. Cannelle et moi nous retrouvons confinées, mais cette solitude à deux devient une opportunité unique. Les restrictions nous permettent d'explorer les forêts environnantes pendant les horaires autorisés, et chaque sortie devient une aventure.

En marchant ensemble dans ces bois tranquilles, nous découvrons des sentiers cachés, des odeurs fascinantes et des paysages enchanteurs. Cette connexion avec la nature renforce notre lien. Nous sommes deux âmes solitaires, mais ensemble, nous formons une unité indissoluble.

Les journées passent, rythmées par nos balades et les moments de jeu. Dans cette bulle protectrice, je sens que je deviens sa mère et qu'elle est mon enfant. Être avec elle 24 heures sur 24 crée une complicité extraordinaire. Nous partageons des rires, des câlins, et même des instants de douceur silencieuse.

Cette période de confinement, bien que difficile pour le monde extérieur, nous permet de nous ancrer l'une à l'autre. Cannelle, avec sa présence réconfortante, m'aide à traverser ces moments d’incertitude. Notre amour grandit chaque jour, transformant cette épreuve en un souvenir inoubliable de connexion et d'amour inconditionnel.

Avec le passage des années, Cannelle devient une compagne fidèle, témoin silencieuse de mes déboires, de mes souffrances et de mes égarements. Ses grands yeux, pleins de compréhension, me regardent avec une loyauté sans faille. Malgré les tempêtes de la vie, elle reste à mes côtés, un réconfort constant dans les moments difficiles. Je m'efforce de lui offrir le meilleur, car elle mérite toute la douceur et l'amour que je peux lui donner.

Aujourd'hui, Cannelle s'apprête à fêter ses six ans. Elle est pleine de vie et d'énergie, surtout lorsqu'elle voit le lancé de balle qui me sert de laisse. Sa passion pour ce jeu est irrésistible ; il n'est pas nécessaire de l'attacher, car seule la balle capte toute son attention. Lorsque je la lance dans l’eau, Cannelle plonge avec enthousiasme, nageant avec grâce et détermination pour récupérer son trésor. Sur les chemins de nos balades quotidiennes, elle est hypnotisée par la promesse du jeu, transformant chaque promenade en une aventure joyeuse.

Je veille toujours à être attentive aux autres, à ceux qui pourraient avoir peur de sa taille ou aux enfants qui croisent notre chemin. Mais pour Cannelle, il n’y a rien d'autre qui compte que la balle. À travers ce jeu, elle m'enseigne la joie des petites choses, la beauté de l'instant présent, et la force des liens que nous avons tissés ensemble.

Cannelle est plus qu'un chien ; elle est ma confidente, mon amie, et un symbole de résilience. Ensemble, nous continuons à écrire notre histoire, remplie d’amour, d’aventures et d’une complicité inébranlable.

En regardant Cannelle vieillir, je ne peux m'empêcher de penser à ce que sera ma vie sans elle, un jour. Bien sûr, il y aura moins de ménage, moins d'organisation à faire, mais la solitude pèse lourd dans mon cœur. J'imagine le vide que sa présence laissera derrière elle, et cela m'attriste profondément.

Je pense souvent aux personnes âgées qui vivent seules, sans l’affection d’un animal. Cela me touche particulièrement, car je sais à quel point un compagnon à quatre pattes apporte chaleur et réconfort. Un animal, c’est plus qu’une simple présence ; c’est une source d’amour inconditionnel, un ami fidèle qui nous accompagne à travers les hauts et les bas de la vie.

Cannelle est bien plus qu’un chien pour moi. Elle est mon miroir, ma force, et chaque moment partagé est un trésor inestimable. Je sais que le jour où elle ne sera plus là, je ressentirai un vide immense. Mais pour l’instant, je choisis de savourer chaque instant avec elle, de célébrer notre lien et d’apprécier les petites joies que nous partageons.

Cette pensée de l’avenir m’incite à être encore plus présent pour elle, à lui donner tout l’amour qu’elle mérite, et à la chérir chaque jour comme un cadeau précieux. Ensemble, nous continuerons à créer des souvenirs, à explorer le monde et à nous soutenir mutuellement.